Projet Dialogue avec les jeunes : Texte de Maika B.
LE STRESS, VU ET VÉCU PAR LES JEUNES
Mr. Emmanuel Loeb, professeur d’éducation physique au Cegep de Maisonneuve a proposé à ses étudiants de faire leur travail de session sur le thème suivant : ‘Mon stress en images, en sons ou en mots’. Les jeunes devaient lire quelques textes du Mammouth Magazine du Centre d’études sur le stress humain et développer sur la thématique du stress. Avec l’accord des jeunes, j’en partagerai une dizaine au cours des prochaines semaines. Prenez le temps de lire, d’écouter, ou de regarder ce que les jeunes ont produit. C’est très informatif sur le stress des jeunes et il y a de vrais petits bijoux dans leurs réalisations!
Aujourd’hui, je partage le superbe texte de Maika B.
Sonia Lupien, Ph.D.
Directrice, Centre d’études sur le stress humain
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Voici un texte assez personnel que j’ai écrit recemment. J’ai vu plusieurs gros projets que j’attendais depuis longtemps être annulés vu la pandémie et toutes ces déceptions ont amené beaucoup de tristesse, stress et questionnements chez moi. Ce texte parle de cela, illustre un peu comment je me sens, non seulement face à ces projets qui tombent à l’eau, mais aussi face à la vie en général, comment je veux vivre plus tard, comment je vais faire pour justement bien maximiser ma vie et en profiter au maximum. Il y a beaucoup d’émotions, pas seulement du stress, mais c’est certain que cela en fait partie, j’ai donc pensé vous remettre cette composition.
Claustrophobe
La claustrophobie n’est pas un mal nouveau.
Je n’invente rien en venant proclamer, comme ça, que j’ai peur des petits espaces. Que j’ai peur d’être coincée, prise et étouffée.
Entre quatre murs.
Des murs qui s’aimeraient trop et qui arrêteraient de se séparer comme nous. Pour venir proche, proche, proche, proche.
Des murs trop forts qui me coinceraient, me prendraient et m’étoufferaient. Alors, quand les murs sont trop proches,
Quand il y a des petits espaces, J’étouffe avant qu’ils ne m’y forcent.
Malgré tout, je vis entre quatre murs. Les quatres murs de ma chambre.
Les quatre murs de ma maison. Quatre murs toujours.
Depuis toujours.
Ça fait longtemps.
On s’habitue à cette crainte.
Quand on sait qu’il y a la porte qui ne peut pas partir, qui ne peut pas se bloquer. Je crois que c’est un peu ça, la sécurité.
Le sentiment de confort.
Faire de nous des aveugles volontaires.
Des borges bornes à oublier ce qui nous déplaît de ces murs et s’enfuir par la porte quand le confort devient trop asphyxiant.
Quand c’est le tour des sorties au cinéma, de la fin de semaine, des vacances dans le sud. S’enfuir en tenant d’une main le verre de vin et en resserrant plus fort le foulard sur nos yeux habitués de l’autre.
Habiles nous sommes. Tu sais,
Papa et maman m’ont appris à m’habiller. L’école m’a appris à m’habiller.
Cliché, mais la société m’a appris à m’habiller aussi. Mais je n’y arrive pas à le mettre bien sur mes yeux.
Moi,
Ce foulard me prend plus à la gorge.
Pis des fois, j’ai l’impression qu’il est trop ami avec les murs. Que lui aussi veut me coincer, me prendre et m’étouffer.
Parce que tu fais quoi quand y’a pu de porte, sérieux?
Quand elle est partie. Quand elle est bloquée.
Moi, j’ai beau appeler les pompiers et tous les charpentiers de ce monde, C’est le même verdict: y’a rien à faire.
Rien faire avec la porte entre les murs de ma tête. Parce que ce soir, la porte de ma tête est bloquée. Et c’est tout.
Ces murs là tu sais je les connais bien.
C’est les murs les plus faciles à briser et à réinventer.
Je n’ai jamais eu peur de ces murs parce que c’était moi qui les maîtrisais. Ils suivaient ma pensée comme la ligne, une mine de crayon sur une feuille. Sans avoir besoin d’y penser ou d’y forcer quoi que ce soit.
Ces murs, tu sais, je les avais beaucoup décorés. J’y avais mis beaucoup d’efforts.
Je ne voulais pas me servir du foulard de papa, maman de l’école et du reste du monde. Je ne veux pas avoir besoin d’une porte.
Je veux être bien entre les quatre murs de ma tête.
Que ces murs soient tous comme des portes, des fenêtres
Et, tu sais, c’est dur quand tu ne connais pas beaucoup de bricoleurs qui pourraient te montrer comment arranger ça.
Moi, je veux les regarder ces murs. Fièrement.
Voir jusqu’où je peux les pousser.
Je les avais ornés, entre autres, de ces moments, de ces expériences, de cet inconnu et ce dehors.
Ceux qui me feraient moi. Je les attendais.
Pour que mes limites ne soient jamais limitées.
Mais présentement, c’est comme si y’avait eu un gros coup de vent qui aurait laissé en suspens toutes ces choses qui feraient de moi celle que je voulais être.
Un gros coup de vent dans cette vie que j’essayais de mettre en ordre.
Mais tu fais quoi quand y’a pu de porte?
Quand je ne peux plus amener à mes murs d’autres décorations que celles qui commencent à tomber.
À tomber à force de me frapper dessus.
Pis les remplacer dans une impatience colérique par des angoisses. Des angoisses qui bougent pas.
Stagnates.
Figées.
Sans remède.
Comme des monstres en dessous du lit que même le jour ne repousse pas. Des monstres qui te jouent dans la tête, toujours.
Parce qu’elles sont sur les quatre murs de ma tête ces angoisses. Je les connais bien.
Ce sont des angoisses qui ne sont pas de vie ou de mort, qui ne sont pas prioritaires. On se côtoie depuis un moment déjà.
Elles ne toucheront rien d’autre que le coeur, je m’en remettrai.
Mais le temps qui est plus libre que nous lui, il file. Et j’attends.
Et il continue à glisser en bousculant au passage ces inquiétudes un peu endormies. Les réveille pour un moment.
Le temps de me rappeler qu’elles existent.
Le temps qu’elles me brouillent la vision un peu. Pour que je voies trop flou.
Trop flou pour essayer de me raccrocher à la vue d’une ancienne photo de mon mur. Alors j’attends.
Dans les quatre murs de ma maison.
Dans les quatres murs de ma chambre.
Dans les quatre murs de ma tête.